samedi 9 novembre 2013

Un levier pour l'emploi: la fabrique des politiques publiques



Le 25 octobre dans les Échos, le Secrétaire général de la CGT affirmait : "le gouvernement fait beaucoup d’annonces sur le sujet de l’Emploi, mais ne met rien de structurant en place et continue de distribuer l’argent public sans discernement ni contrôle public sur son efficacité sur l’emploi".  La question de l’efficacité ou du "rendement" des dépenses publiques en termes d’emploi doit pourtant plus que jamais retenir toute notre attention. L’exercice de communication politique a trop souvent conduit à créer une confusion entre la dépense et l’action. Il est pourtant impératif de clarifier ce qu’on appelle "la fin et les moyens".
Publié sur Le Cercle les Echos
1) Acter le caractère prioritaire de l’emploi 

L’actualité de la fin de semaine dernière, 60 000 inscriptions supplémentaires à Pôle Emploi, confirme la nécessité d’ériger cette question en urgence dans les dossiers à traiter. Chaque décision politique structurante doit être pensée à l'aune de l’emploi, problématique transversale. 
Le premier ministre affirmait le 18 décembre 2012 que "toutes les politiques publiques, sur l’ensemble du quinquennat, feront l’objet d’une évaluation". Une telle évaluation présente plusieurs intérêts, qu'elle se pose avant et/ou après une décision et sa mise en oeuvre. Néanmoins, si le cap est fixé sur l'emploi, ce sont les décisions dont l'impact sera le plus décisif sur ce plan qui devront être considérées comme prioritaires. L’agenda des "acteurs publics" reflètera cette hiérarchisation. 

2) Les outils nécessaires
Une telle orientation ne peut être mise en œuvre qu’en systématisant la relation entre porteurs d'activité économique (autrement dit d’emplois), et décideurs publics, particulièrement sous l'angle de l’échange de données.
Dès lors, un "indicateur" (avec une limite basse et une limite haute) doit pouvoir être mis en place, tant sur un plan national, que sur un plan local. Il n’est pas indifférent à ce titre, de mentionner que l’affirmation du rôle de chef de file des régions en matière économique, dans l’acte III de la décentralisation en cours de discussion, contribue à renforcer la responsabilité de cette collectivité en matière d’emplois. C’est aussi l’un des points soulevés par les Députés Heinrich et Juanico en 2012 dans leur rapport relatif à "L’évaluation des politiques sociales en Europe" 
La connaissance de la part "emploi" de la dépense publique envisagée sera sollicitée par les pouvoirs publics en amont de cette décision. De leurs côtés, les entreprises, notamment dans le cadre de leurs représentations (organisations ; fédérations ; associations ; etc.) veilleront à la constitution de ces données et à leur mise à disposition auprès des décideurs.
La crédibilité d’une telle démarche en amont pourra être garantie en s’inspirant des facteurs mis en œuvre rappelés en février dernier par le CAE (indépendance des évaluateurs, transparence dans la méthode, publication des résultats). Un expert, universitaire ou praticien, par exemple, pourra faire bénéficier une collectivité de son savoir et de son savoir-faire, tant dans la modélisation que dans la mise en oeuvre de cet indicateur. 
Enfin, cette dynamique est au cœur de cette forme particulière de "médiation" – au sens générique du terme – qu’est l’activité d’"affaires publiques". En effet, loin d'être le support exclusif d'intérêts particuliers, cette activité porte en germe la possibilité de construire des politiques publiques plus efficaces. Il est dans son essence d’accroître la pertinence et la compatibilité de l’offre "publique" avec la "demande" particulière ou privée, par une faculté à faire émerger un "dialogue" durable et transparent.
3) Vers une "Responsabilité sociétale de l’action publique"

Cette proposition doit être mise en relief avec les développements de la "R.S.E.". Les entreprises sont conduites à travers cette démarche, à ne plus se penser hors du champ de leurs parties prenantes. Autrement dit, elles sont incitées à prendre en compte leurs écosystèmes au sein de leurs activités et de leurs développements.
Il ne saurait en aller autrement pour la sphère publique. Même si la formule frôle le pléonasme, une "Responsabilité sociétale de l’action publique" (RSAP) doit émerger. La mise en place d’une telle démarche, exemplaire, par les pouvoirs publics, peut au surplus être un facteur d’accélération dans la mise en œuvre des  mesures qui s’imposent à ses propres parties prenantes, parmi lesquelles figurent naturellement les entreprises.
Enfin, cette réflexion conduit à déstigmatiser la pratique des "affaires publiques". Le préjugé hexagonal qui l’entoure contribue à retarder considérablement la prise en compte de la société civile et de la démocratie économique lors de la fabrication des décisions publiques.
Concevoir cette activité comme une "science de l’écosystème des organisations" favorisera le développement de cette "RSE Publique". L’adoption de ce point de vue aboutira à une transparence accrue autant qu’à une meilleure efficacité de la dépense publique, et à faire de la fabrique des politiques publiques un véritable levier pour l’emploi.